Soudain, dans la chaleur d'une nuit de juillet, sur la pelouse d'un mas provençal, une lueur, des bruits d'un autre monde, une sphère verte, fluorescente... Anne Devil et sa petite chatte Zelda sont les témoins de ce phénomène. Anne croit à une illusion due à l'alcool. Zelda commente...
(...)
- Non, ce n'est pas un rêve d'ivrogne ! la preuve... je n'ai rien bu, moi. Et je vois le même truc que toi !
Ce dialogue surréaliste est interrompu par un mouvevement imperceptible du côté de la sphère dont la surface d'un vert intense, uniforme, semble se déchirer lentement en son centre, pour faire apparaître un croissant de lune d'un doré éclatant, le croissant se muant bientôt en un cercle parfait d'environ trois mètres de diamètre. Puis, de ce cercle, qui paraît être une ouverture, descend en se déroulant avec une lenteur majestueuse, une sorte de langue incandescente dont l'extrémité se pose sur la pelouse.
- C'est une porte !... C'est une porte ! s'étrangle Zelda. Et un toboggan ! Ils vont sortir ! Ils vont descendre ! Je crois que j'ai un peu peur, moi, tout compte fait.
- Ah, non ! Ce n'est pas le moment de me lacher ! N'oublie pas, c'est ton rêve de voir des OVNI, de rencontrer des extraterrestres. Maintenant qu'ils sont là, tu ne vas pas te dégonfler ?!
- Eh bien... si... justement... Je me casse !
Anne a le temps de voir fuser un éclair argenté dans la lumière irréelle, qui frôle ses chevilles, se précipite vers la chatière du garage jouxtant la maison, et s'y engouffre.
"C'est ça. Courage, fuyons ! Qu'on vienne encore me parler de la témérité des chats, ou même de leur curiosité !" remarque Anne, dépitée. Elle constate que la terrasse est vide ; les autres aussi ont fui piteusement. "Parfait ! Merci pour la solidarité ! Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là."
La sphère est toujours là, dans son aura lumineuse, immobile, avec son ouverture dorée circulaire, son toboggan ? escalator ? sa rampe d'accès ? dont l'extrémité touche le sol à une vingtaine de mètres de la terrasse. Anne n'a pas peur. Elle est prête à voir. Elle s'avance...
Et elle l'entend.
Une voix masculine, non dénuée de douceur, mais désincarnée, avec des intonations métalliques :
- N'ayez pas peur
- Quoi ?
- N'ayez pas peur.
"Cette voix est-elle réelle ? Ou est-ce que je l'entends dans ma tête ?"
- Ma voix est réelle, mais vous êtes la seule à l'entendre. Vous pouvez me répondre.
- Qui êtes-vous ?
- Un ami. N'ayez aucune crainte.
- Que voulez-vous ?
- Tout cela vous sera expliqué en temps voulu. Veuillez vous avancer vers l'escalier de lumière.
La voix paraît donner des ordres. Mais ils sont inutiles car une force invisible semble avoir pris possession de la personne d'Anne. Ses pas se dirigent sans effort, comme en apesanteur, vers ce que la voix a appelé "l'escalier de lumière". Un escalator, en fait, car lorsque ses pieds chaussés de sandales légères touchent l'extrémité du mécanisme, elle s'élève avec une grâce aérienne vers l'ouverture circulaire. La luminosité de de cet escalier volant l'empêche de percevoir précisément la matière dont il est fait. Ce qu'elle peut dire, c'est qu'il ne paraît pas "solide" mais pourtant très réel. La progression est lente, elle n'est pas traumatisante. Anne n'a pas peur.
Quelques secondes avant de passer la porte circulaire, elle se retourne, comme pour un dernier adieu à la maison. Celle-ci paraît irradiée sous cet éclairage fantasmatique, tous les détails, les défauts de la façade un peu délabrée, sont mis en relief ; les feuilles et les fleurs des rosiers grimpants sont phosphorescentes. Près de la chatière du garage, elle croit apercevoir - mais en est-elle sûre ? - deux prunelles de laser vert... C'est peut-être le dernier adieu de Zelda. "Trop tard, ma chère ! Tu ne seras pas du voyage."
Elle se retourne et passe la porte de lumière.
(...)